La Chaire Jean Monnet en intégration européenne et le Cercle Europe (Faculté de droit - ESEI) sont heureux de vous accueillir au premier webinaire de l'année 2021.
Une approche « par crise » des migrations internationales : la crise de la Covid-19, renforcement ou rupture ?
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Depuis les années 70 et la crise économique engendrée par les chocs pétroliers, les Etats ont développé des politiques restrictives en matière de migration internationale. Bon nombre de programmes de migration légale ont été limités, voire réduits à néant. Tous les modèles migratoires ont été touchés, qu’il s’agisse d’immigration économique, d’immigration familiale, et par la suite des personnes nécessitant une protection.
Ces restrictions en matière d’immigration se sont doublées, à compter des années 80, d’un discours sécuritaire visant au contrôle de la frontière et à lutter contre l’immigration irrégulière, qui a engendré une criminalisation du migrant et une politique de répression sur le territoire des Etats mais également au-delà de celui-ci.
Ce discours sécuritaire, qui entoure la gestion de la migration depuis plus de 30 ans, au-delà de ses coûts économiques et humains, semble se trouver aujourd’hui en porte-à-faux par rapport aux besoins réels des pays du Nord global, qui sont et seront de plus en plus confrontés à des réalités démographiques engendrant des besoins importants en main d’œuvre qui, s’ils devaient rester sans réponse, au-delà des problèmes économiques qu’ils présentent, pourraient mettre en danger des modèles sociaux développés dans ces Etats durant la deuxième moitié du XXe siècle. Alors que plusieurs institutions ont mis en avant ces besoins, la Banque mondiale, traditionnellement peu incline à supporter la mobilité de la main d’œuvre, a également souligné cette réalité, en 2016. En 2019, le ministre des affaires sociales espagnol n’a pas hésité à déclarer qu’ils auraient besoin de 9 à 10 millions de migrants en 20 ans.
L’usage du terme de « crise des migrants » peut être discuté. Si des pics migratoires, provoqués par des mouvements de masse engendrant des drames humains et des couvertures médiatiques importantes, tout particulièrement en 2015-2016, sont constatés, ils ne peuvent dissimuler une tendance globale et constante d’immigration internationale, dont les causes sont multiples, mais dont rien ne permet de dire qu’elle est nouvelle et qu’elle pourrait faiblir. Il s’agit donc d’un mouvement plus profond qui n’a rien de ponctuel et d’épisodique, comme le sous-entend la terminologie de crise.
Ainsi, il semble y avoir une dichotomie entre, d’une part, la logique de politiques migratoires reposant sur un discours sécuritaire bien ancré et, d’autre part, les besoins réels, reconnus des Etats. Bien que certaines institutions internationales tentent de souligner le besoin de réduire cette dichotomie – notamment, mais pas seulement, la Commission européenne – le discours politique et les rigidités sociales qu’il a engendré depuis plus de 30 ans semblent rendre difficile une telle rationalisation.
Ce paradoxe s’est révélé d’une façon éclatante au moment de la crise de la Covid-19 : la fermeture des frontières, poussée à son paroxysme pour des raisons sanitaires, a mis en exergue la dépendance en main d’œuvre des économies du « Nord global ». Si la conséquence première, évidente, de la Covid-19 a été une restriction, voire un arrêt des migrations et de la mobilité internationale, il n’est pas certain qu’à moyen et long terme, les conséquences de la crise sanitaire ne provoquent pas au contraire une remise en cause de l’approche sécuritaire et de fermeture qu’implique la gestion par crise. En effet, le déficit de travailleurs migrants, liée aux fermetures amenées par la crise de la Covid-19 a entrainé des réponses étatiques radicales – de l’organisation de vols « charters » pour faciliter la venue des travailleurs migrants à la régularisation des travailleurs illégaux ou demandeurs d’asile déboutés – ou, à défaut, des réponses « souterraines » – la migration de travail ayant par exemple été principalement gérée par la Mafia en Italie. Dès lors, cette « dernière crise », la plus importante, interroge : la crise de la Covid-19 consacre-t-elle l’approche de gestion de crise, sécuritaire et de fermeture, qu’elle porte à son paroxysme, ou pourrait-elle au contraire être le premier signe de rupture de cette logique paradoxale ?
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Déroulement du séminaire
Présentateurs : R. Angrisani (Italie et Espagne) ; S. Slama (France) ; Eleonora Frasca (Union européenne) ; D. Bélanger ; (Canada) S. Saroléa (Belgique) ; M. Pachocka Pologne) ; D. Ndiaye (Afrique) ; G. Candiz (Etats-Unis).
Participants additionnels à la table-ronde : F. Crépeau, M. Catala, M. Mondélice, F. Houle, S. Cocan, L. Fontfrède, D. Nakache, C. Gauthier, M. Molęda-Zdziech.
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Le séminaire se déroulera en deux temps.
Présentations : Un premier groupe de conférenciers fera une courte présentation (10-12 minutes par intervenant), chacune d’elle étant centrée sur une zone géographique particulière. Il s’agira de traiter, d’une part, des conséquences immédiates de la crise de la Covid-19 sur l’immigration et l’asile et, d’autre part, des éventuels besoins de main d’œuvre mis en évidence par la crise, ainsi que les mesures ayant facilité l’octroi de certains statuts adoptées en raison de cette même crise.
Chacun des présentateurs aura déposé un texte de 1500 à 2000 mots les jours précédents afin de mieux préparer la période d’échanges, qui occupera le deuxième temps du séminaire.
Table-ronde : : Durant cette période d’échange, les conférenciers seront rejoints par quelques collègues afin d’avoir, sur la base de leur première intervention, une réflexion commune afin de savoir si la crise de la Covid-19, malgré les replis temporaires qu’elle a engendrés en matière migratoire, n’a pas mis en exergue des besoins et la nécessité de changer de paradigme. Autrement dit, considérant la politique sécuritaire actuelle des Etats, la crise de la Covid-19 renforce-t-elle cette approche ou, au contraire, provoque-t-elle des inflexions, voire une rupture ?
Liste des présentateurs et des participants (provisoire) :
Roberto Angrisani (Université Laval)
Danièle Bélanger (Université Laval)
Guillermo Candiz (Université Laval)
Michel Catala (Université de Nantes)
Silviana Cocan (Université de Montréal)
François Crépeau (Université McGill)
Olivier Delas (Université Laval)
Léo Fontfrède (Université Laval)
Eleonora Frasca (Université catholique de Louvain)
Catherine Gauthier (Université de Bordeaux)
Baptiste Jouzier (Université Laval, Université Grenoble Alpes)
Anne Millet-Devalle (Université Côte d’Azur)
Mulry Mondélice (College militaire royal de Saint-Jean)
Delphine Nakache (Université d’Ottawa)
Ndeye Dieynaba Ndiaye (Université du Québec à Montréal)
Marta Pachocka (École des hautes études commerciales de Varsovie)
Sylvie Saroléa (Université catholique de Louvain)
Serge Slama (Université Grenoble Alpes)
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Documents à consulter :
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En ligne (Zoom)
Date : Vendredi 12 février 2021
Heure : 8h00 – 12h00
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